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Kendrick Kelvin
1 octobre 2015

Le coma diplomatique face à Daech

Un État émergent est né au Moyen-Orient. Nom de code?: Daech, l’acronyme arabe. Nom de baptême: État islamique en Irak et au Levant. C’est comme si un tremblement de terre avait soudain réparti différemment les territoires entre les parties prenantes. À ceci près que cet État islamique gagne le terrain par les armes et par la détermination religieuse. Les anciens colonisateurs, France en tête, n’ont rien vu venir et parlent à son propos “d’égorgeurs”. Certes, mais la pire des fautes est toujours de sous-estimer l’adversaire. Surtout quand il gagne. Une preuve parmi d’autres. Les “hommes en noir” de l'État Islamique (EI) contrôlent déjà sur les bords de la Méditerranée quelque 200 kilomètres de côte libyenne autour de la ville de Syrte. Au même moment, les Vingt-Huit sortent lentement de leur torpeur et annoncent une “opération européenne” en trois phases pour lutter contre les trafics liés à l’immigration à partir de la Libye. Attention, ce lundi 22 octobre ne démarre que la première: un déploiement aéronaval dédié à la seule collecte des informations sur les passeurs?! Quel décalage avec la montée accélérée des périls que pronostiquent tous les spécialistes de la région. Au point qu’un député PS comme Gérard Bapt s’interroge à voix haute?: “La solution politique, on ne la voit pas, mais la progression de l'État Islamique, on la voit. Je veux bien qu’on recherche une solution sans Bachar al-Assad, le président syrien, mais il ne faudrait pas que ce soit jusqu’au dernier Syrien et jusqu’au dernier chrétien. Chercher l’effondrement de Bachar al-Assad, c’est se retrouver dans une situation à l’irakienne”. Ces quelques mots sont au cœur de la nouvelle Question d’Orient. Comment combattre l'État islamique en mettant son ennemi principal, le régime syrien, dans le même “camp”?? “M. Bachar al-Assad et les terroristes sont l’avers et le revers d’une même médaille”, a répondu à l’Assemblée nationale Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, à une question du député Les Républicains Jacques Myard. Comment parler sereinement avec toutes les parties au conflit quand la diplomatie française a choisi le camp sunnite?? “Je veux bien qu’on recherche une solution sans Bachar al-Assad, le président syrien, mais il ne faudrait pas que ce soit jusqu’au dernier Syrien et jusqu’au dernier chrétien” Les États-Unis d’Obama ne sont pas en reste non plus pour l’ambiguïté. À croire que leur responsabilité écrasante dans la désagrégation de l’État irakien ne leur a pas servi de leçon. Le désordre consécutif à l’invasion militaire de 2003 est pourtant à l’origine de l’éclosion de l'État islamique. Douze ans après, Barack Obama a monté à la hâte une coalition internationale d’une vingtaine de pays pour lutter contre l'État islamique. Mais sans prendre la mesure de la réalité du terrain, faute là encore d’une analyse correcte de la vraie nature de Daech. Or le temps travaille pour ces “émergents” d’un nouveau genre. La realpolitik est demandée d’urgence. La possibilité à l’horizon d’une arrivée des “hommes en noir” à Damas fait partie des hypothèses, même si elle est loin d’être gravée dans le marbre. Comment expliquer qu’un tel désastre soit seulement envisageable?? Comment imaginer des groupes djihadistes tranquillement installés sur des centaines de kilomètres le long de la Méditerranée?? Eh bien cela n’a rien d’un rêve éveillé. Les bulletins de victoire de Daech sont bien réels. À ce jour, ce nouvel État contrôle déjà une population de 8 à 10?millions de personnes et plusieurs villes. Dont Mossoul et ses deux millions d’habitants depuis un an, et Ramadi, à une centaine de kilomètres de Bagdad, depuis mai dernier – dans les deux cas, l’armée irakienne s’est évaporée façon puzzle. Ou encore Palmyre, sur la route de Damas, dont le site antique est truffé d’explosifs. Son génie propre a été de renouer avec l’histoire longue de la contrée en proclamant le 29?juin 2014 le califat dans la plus pure tradition sunnite. “À ce jour, ce nouvel État contrôle déjà une population de 8 à 10?millions de personnes et plusieurs villes.” Ce qui revient à faire un pied de nez aux accords anglo-français Sykes-Picot, issus de la Première guerre mondiale, qui dessinaient au bord de l’Euphrate une frontière “intangible” entre Irak et Syrie. De fait, tous les postes frontières côté syrien sont actuellement aux mains de l'État islamique dont la géographie est à cheval sur… un tiers de l’Irak et la moitié de la Syrie. Oui, le calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi peut fêter son premier anniversaire avec un certain optimisme. D’où vient une telle force?? Du pétrole, de terres arables, et de recrues aguerries venant du monde entier. Pierre-Jean Luizard, directeur au CNRS, donne les détails devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat?: “L’État islamique a-t-il les qualités d’un État en formation?? J’en suis désolé, mais il les a?! Il a un pouvoir exécutif avec le calife, et un pouvoir judiciaire avec des juges religieux qui appliquent la charia. Il dispose d’une armée, d’un système fiscal où chacun paie des impôts en fonction de son statut confessionnel et de sa richesse. Il a son drapeau”. Le chercheur a ajouté ces précisions qui changent tout?: “seule différence, l'État islamique ne veut pas de frontières. Ce n’est pas un État avec lequel on signe un traité de paix. C’est un État qui est en guerre contre les démocraties occidentales et contre les États de la région”.

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